Analyse de l’atelier: «Les risques seront maximum pour le public au départ et à l’arrivée»



Le parcours prévu pour l'édition 2019 du Tour de France.

Le parcours prévu pour l’édition 2019 du Tour de France.

Avec un départ prévu au 29 août de Nice, le seul grand événement de sport pas encore annulé cet été reste très hypothétique, selon des infectiologues.

Le Tour de France 2020 n’est pas encore monté dans la voiture-balai, mais son maintien du 29 août au 20 septembre pose de plus en plus question. Le professeur Philippe Vanhems dresse une longue liste de «paramètres épidémiologiques» qui forment autant d’obstacles posés sur les 3 470 kilomètres de parcours prévu entre Nice et les Champs-Elysées (en passant par les Pyrénées, le Massif central, les Alpes, le Jura et les Vosges). «Si l’épreuve devait se dérouler, les risques seront maximum pour le public sur les lieux de départ et d’arrivée», explique à Libération le chef du service d’hygiène, épidémiologie, infectiovigilance et prévention des Hospices de Lyon, ajoutant que «les masques seraient peut-être utiles dans ces périmètres».



Infographie : nouvelles dates et parcours du Tour de France 2020

Infographie : nouvelles dates et parcours du Tour de France 2020

Les coureurs cyclistes, quant à eux, devraient «bénéficier pendant la course et dans les mois précédents d’une surveillance médicale étroite (déjà présente chez les sportifs de haut niveau) afin d’éviter une épidémie au sein du peloton qui aurait des conséquences multiples, estime le professeur Vanhems. Et les encadrements des équipes seraient eux aussi à tester selon un protocole à définir. En tout état de cause, la proximité des coureurs, au départ par exemple, sera difficile à contrôler».

Le gouvernement prêt à des aménagements

Le Tour de France, qui a décalé de deux mois ses dates initiales pour sauver sa place cette saison, est loin d’être tiré d’affaire dans le contexte de crise sanitaire mondiale. Et ce même si le gouvernement serait prêt à lui accorder une dérogation, après l’annonce du Premier ministre Edouard Philippe mardi devant l’Assemblée de l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes jusqu’au 1er septembre. Respectées à la lettre, ces règles impliqueraient que le prologue et les deux premières étapes se déroulent sans public. Selon l’Equipe (le journal lié à Amaury Sport Organisation, ASO, propriétaire du Tour de France), citant une source du ministère des Sports, la course pourrait bénéficier d’«aménagements».

Les experts de santé interrogés par Libération se montrent prudents, pour ne pas dire sceptiques, sur les chances que le Tour de France ait lieu. Mais refusent d’appeler à son annulation, comme l’avait fait leur consœur Devi Sridhar, le 15 avril, sur le site Cyclingnews. «La sagesse, c’est d’annuler cette année. […] Des milliers de personnes venues du monde entier, rassemblées en un même lieu, se déplaçant de ville en ville, peuvent constituer le canal par lequel le virus pourrait se propager. Cela pourrait mener à une catastrophe», alertait la professeure de santé publique mondiale à l’université d’Edimbourg, conseillère du gouvernement écossais dans la gestion de crise du coronavirus.

Que le virus perde de sa virulence

«Aucun modèle de prévision n’est fiable au-delà de trois semaines», rappelle William Dab, spécialiste de santé publique et ancien directeur général de la santé (2003-2005). Précisant que la survie du Tour de France dépend «du degré d’évolution de l’épidémie pendant la période estivale. L’hypothèse la plus favorable est que le virus perde en virulence». Amaury Sport Organisation et l’Elysée, qui ont conjointement décidé du report de l’épreuve dans un premier temps, ne tiennent pas le maintien du Tour de France en septembre comme ferme et acquis. «Le seuil à 5 000 peut s’arrêter début septembre comme durer au-delà, relève une source élyséenne citée par l’Equipe. Nous ne savons pas comment ça évoluera. Il se peut donc que le Tour doive s’adapter à ces seuils comme il est toujours possible qu’il soit annulé si la situation sanitaire l’impose, ASO a toujours été clair à ce sujet.»

«Il faudra regarder la dynamique de l’épidémie en France et dans les régions traversées [le gouvernement envisage de classer les départements de rouge à vert selon le degré de contamination de la population et de limiter les déplacements entre les foyers d’infection majeurs, ndlr], la proportion estimée de personnes infectées dans la population générale à ce moment-là et les semaines précédentes», énumère Philippe Vanhems. Les «paramètres épidémiologiques» à surveiller comprennent aussi «l’analyse des mesures barrières qui seront préconisées, avec un bilan de ce qui a marché et moins bien marché antérieurement (gestion des contacts, impact des masques, etc.)» ou encore «le nombre de spectateurs estimés et la manière de canaliser les foules, une estimation du risque de réintroduction du virus avec des spectateurs étrangers provenant de pays voisins (Belgique, Pays-Bas…).»

Blocage européen

La persistance de la pandémie en septembre est la principale menace qui pèse sur le Tour de France 2020 mais ce n’est pas la seule. L’Union cycliste internationale, qui doit tenir de nouvelles réunions ce mercredi, peine en effet à reconstruire son calendrier d’épreuves face au blocage des différents gouvernements européens. Les coureurs cyclistes, qui seront de nouveau autorisés à s’entraîner sur route à partir du 4 mai en Espagne et Italie, du 11 mai en France, seront privés de compétitions préparatoires à la Grande Boucle pendant encore de longues semaines. Les championnats de France prévus le 23 août à Plumelec (Morbihan) devraient être annulés, entre autres. Et de nombreux pays, à l’image de la Belgique, prolongent l’interdiction d’épreuves sportives jusqu’au 1er septembre au moins.